07 décembre 2017

La politique STI (Science, Technologie, Innovation) du Japon : quelle place pour la société 5.0 ?

Si l’investissement en matière de recherche est une caractéristique de longue date de l’économie japonaise, la transformation numérique ouvre de nouvelles perspectives à la stratégie d’innovation de la 3e puissance économique mondiale.

 

Un historique d’investissement massif dans la science, la technologie et l’innovation

Depuis des décennies, la politique du gouvernement japonais en faveur de la science, de la technologie et de l’innovation -ou politique STI- se caractérise par un investissement massif en R&D. En 2016, le Japon y consacrait 3,59 % de son PIB, soit l’un des ratios les plus élevés dans le monde (vs 2,74 % aux USA, 2,38 % en moyenne OCDE et 2,26 % en France)1.
La caractéristique principale du système de recherche japonais est la part considérable représentée par le secteur privé dans son financement, soit plus de quatre cinquième de l’effort d’investissement total en 2016.
Le nombre de chercheurs y est également l’un des plus élevés au monde. Avec un ratio de 10,47 chercheurs pour 1 000 actifs1, le Japon devance la France (9,875) et les USA (8,94). Autres caractéristiques de la recherche japonaise : en 2014, les femmes ne représentaient que 14,4 % du total des chercheurs2, un pourcentage significativement plus faible comparé aux économies occidentales (33,6 % aux USA, 25,6 % en France) mais en nette progression depuis le début des années 2000 : + 10,6 %3.

Le nombre d’étudiants et chercheurs étrangers en échange universitaire au Japon a réciproquement doublé depuis le début des années 2000 avec respectivement plus de 150 000 étudiants en 2014 (vs 60 000 en 2000) et presque 40 000 chercheurs en 2014 (vs 30 000 en 2000) ; le nombre de chercheurs japonais à l’étranger a lui-même connu une expansion considérable, avec plus de 170 000 chercheurs en 2015 (vs 115 000 en 2000)4.

Cet investissement massif a fait du Japon une puissance technologique de premier plan et joué un rôle clé dans le développement économique du pays. Avec 127 millions d’habitants -soit moins de 2 % de la population de la planète – le Japon est la 3e économie mondiale. L’industrie japonaise a été pionnière dans un grand nombre de technologies industrielles et de fabrication, telles que l’automobile, l’électronique grand public ou la robotique. 40 des 100 entreprises les plus innovantes dans le monde sont des groupes japonais5, ce qui place le pays au 1er rang de ce classement devant les Etats-Unis et la France.
Avec 14 chercheurs honorés depuis 2001 par un prix Nobel dans les disciplines scientifiques (physique, chimie, médecine), la recherche japonaise occupe le 2e rang mondial, derrière les Etats-Unis.

 

Une R&D planifiée, dans une dynamique de long terme

Au Japon, l’Etat pilote les politiques de R&D et fixe les orientations stratégiques dont la mise en œuvre associe ministères, universités, instituts de recherche et entreprises. En application de la loi-cadre de 1995, ces orientations sont définies dans des plans à cinq ans, structurés selon une démarche prospective à dix ans. Le maître d’œuvre de cette approche planificatrice est le Conseil pour la Science, la Technologie et l’Innovation (CSTI). Présidé par le Premier ministre, le CSTI réunit des représentants des principaux ministères et huit membres exécutifs : représentants de grandes entreprises, universitaires, présidents d’instituts de recherche.
Engagée fin 2014, l’élaboration du 5e plan (2016-2020) s’est déroulée pendant plus d’un an. Réunions formelles et informelles, auditions, consultations de groupes experts, rédaction de documents de synthèse, rapports intermédiaires et consultation publique se sont succédés jusqu’à sa validation en janvier 2016, selon une méthodologie nouvelle compte tenu des enjeux de recherche.

 

Le Japon, précurseur de la société 5.0

La conviction du gouvernement est en effet que l’humanité aborde une cinquième phase de son histoire. Après la civilisation 1.0 -celle de la chasse et de la cueillette dominée par la symbiose avec la nature-, la société agraire 2.0, la société industrielle 3.0, puis la société de l’information 4.0, se profile désormais la société 5.0 ou « smart society », dans laquelle monde virtuel et monde réel se connectent grâce à l’internet des objets (IoT), l’intelligence artificielle, le « Big data » et la robotique.
Les enjeux ? Une société plus sûre et prospère (avec une croissance durable pour le Japon), fondée sur un développement autonome des territoires et une croissance plus inclusive à l’échelle mondiale.
Pour construire cette société du futur, le CSTI a identifié 11 thèmes de recherche qui vont de l’alimentation intelligente à la résilience face aux catastrophes naturelles en passant par la transformation énergétique, les nouveaux systèmes de production, l’évolution des solutions de mobilité ou des systèmes de santé.
Une stratégie d’innovation qui s’appuie sur un renforcement de la coopération interministérielle et de la coopération industrie-universités et sur une augmentation de l’investissement global en R&D à 4 % minimum du PIB, dont 25 % au moins financé sur fonds publics.

« Concevoir la société du futur et imaginer la vie de demain ». Le thème de la candidature du Japon à l’Exposition Universelle 2025 résume l’ambition de la politique du gouvernement, qui considère, plus que jamais, la science, la technologie et l’innovation comme un stimulant efficace pour la croissance et un vecteur de progrès pour la société.

 

(1) source : OCDE – données indicateurs science et technologie, juin 2016
(2) source : National Science Foundation « Science and Engineering Indicators 2014 » Statistics Bureau, Japan, 2014
(3) source : OCDE – données indicateurs science et technologie (2011, 2012)
(4) source : JASSO-étudiants en STI en échange au Japon & MEXT-chercheurs en échanges universitaires (2015)
(5) source : Thomson Reuters 2015 Top 100 Global Innovators