19 décembre 2017

A chaque thé sa couleur, sa saveur : les différents thés japonais

Introduit au Japon il y a plus de mille ans par des moines venant de Chine, le thé s’est progressivement diffusé dans l’archipel. D’abord réservé à la noblesse, il prit son essor 500 ans plus tard avec la figure emblématique de Sen no Rikyû (1522-1591) qui donna naissance à la culture du sadô ou « cérémonie du thé ». Depuis, le thé est devenu l’une des boissons les plus populaires et la cérémonie du thé un des symboles de la culture japonaise.

Mais, derrière cette appellation générique, se cachent en fait de multiples variétés, qui se différencient par la subtilité de leur goût, de leur parfum et les nuances de leur couleur. Comme pour le vin, le terroir mais également les soins apportés à la plante durant sa croissance, l’irrigation ou bien encore la façon dont les feuilles de théiers sont récoltées vont influencer la saveur du breuvage. Quant au processus de transformation, s’il s’articule en deux grandes étapes -fabrication du « thé brut » ou aracha, puis « processus de finition » ou shiage – là encore des nuances interviennent. Sencha, gyokuro et matcha, qui sont trois variétés parmi les plus fameuses de thé vert, illustrent le savoir-faire japonais.

La saveur du thé japonais commence dans les plantations

C’est au centre de l’île de Honshu et sur l’île de Kyushu au sud de l’archipel, que se concentrent la plupart des plantations de théiers. Les préfectures de Shizuoka, Kagoshima et Miyazaki produisent principalement du thé sencha, pendant que la préfecture de Kyoto est le principal producteur des variétés gyokuro et matcha. La culture de ces dernières demande un soin tout particulier puisque, pendant une période donnée précédant la cueillette, les feuilles sont couvertes afin de les protéger du soleil. Ce procédé de couverture permet d’interrompre la production de composants astringents et d’obtenir des feuilles riches en « théanine », acide aminé responsable de l’umami.
Cette cinquième saveur, qui vient compléter les quatre goûts élémentaires que sont le sucré, le salé, l’amer et l’acide, a été identifiée en 1908 par le scientifique japonais Kikunae Ikeda. L’umami, terme sans équivalent en français, signifie en japonais « délicieux », « de la plus haute qualité ». Le goût unique du thé japonais naît de l’harmonie, différente d’une variété à l’autre, entre l’umami, apporté par la théanine, l’amertume, qui vient de la caféine, et l’astringence issue de la catéchine.
Vient ensuite la cueillette, une opération qui demande également un soin particulier pour les thés les plus raffinés. Les feuilles sont récoltées à la main et le goût du thé change en fonction de la période de récolte. Seules les premières pousses, dont la cueillette a lieu au printemps, donneront naissance à de grands thés tels que le gyokuro, le matcha ou les sencha de qualité supérieure.

La fabrication de l’aracha ou « thé brut »

Pour produire un sencha, un gyokuro ou un matcha, les feuilles vertes fraîchement cueillies sont d’abord chauffées à la vapeur. A la différence d’autres thés verts qui eux sont torréfiés. Le chauffage à la vapeur, un procédé propre au Japon, permet d’interrompre l’oxydation et de révéler ainsi le parfum, le goût et la couleur caractéristiques des thés japonais. Après refroidissement, la fabrication du sencha et du gyokuro se poursuit avec une opération qui requiert un savoir-faire expert – le malaxage -, suivie du séchage. C’est à ce stade que les feuilles se transforment en aiguilles. Autrefois entièrement manuelles, ces tâches sont aujourd’hui pour partie mécanisées. Mais il reste dans tout le pays des artisans du thé qui perpétuent l’esprit des grands maîtres et continuent à se transmettre l’art japonais de la fabrication.

Le shiage ou « finition », recherche de la perfection du parfum, du goût et de la couleur

Ce savoir-faire expert est également requis pour mener à bien la deuxième étape de transformation, appelée « finition ». Le tri des aiguilles par tamisage et coupe est guidé par une grande attention portée à la couleur. Le séchage final a lui pour but de renforcer le parfum et le goût du thé. Quant à l’opération du mélange ou « blend », qui consiste à mélanger les feuilles de façon à obtenir le produit idéal, il est l’apanage de spécialistes seuls capables de déceler les saveurs et les parfums les plus subtils, tels les « nez » pour la création de parfums ou les blenders pour le whisky. Place alors à la dégustation. La délicatesse de la feuille nécessite un temps d’infusion bref -2mn pour un Sencha de qualité supérieure, 2mn30 pour un gyokuro- et une température de l’eau d’autant plus basse que la qualité du thé est grande. Après avoir bouilli pendant 3 à 5mn, l’eau doit être mise à refroidir jusqu’à 70°, température appropriée pour infuser du thé Sencha de qualité supérieure, et jusqu’à 50 ou 60° pour infuser un thé gyokuro.

Matcha et cérémonie du thé

Quant au matcha, rendu célèbre par la cérémonie du thé, son processus de transformation et sa dégustation sont uniques. Les jeunes feuilles de thé, cultivées à l’abri du soleil comme pour le gyokuro, sont séchées, après avoir été chauffées à la vapeur, sans être malaxées. Cet aracha particulier, appelé tencha, est moulu jusqu’à obtenir une poudre verte, riche en caféine et en catéchine, aux vertus énergisantes et anti-oxydantes. Pour le déguster, l’eau chaude, versée sur la poudre, est battue avec un fouet en bambou jusqu’à obtention d’une mousse très fine. Le fait de boire le thé dissous dans l’eau bouillante permet d’en extraire tous les composants bénéfiques. Ce thé vert développe des notes végétales, rehaussées par une saveur umami particulièrement puissante.
Dans la cérémonie du thé, art traditionnel inspiré du bouddhisme zen, le thé matcha est préparé de manière codifiée par un praticien expérimenté et servi à un petit groupe d’invités. Un cérémonial synonyme d’hospitalité et de temps suspendu. Boire du thé n’est ainsi pas seulement apaiser sa soif et satisfaire ses papilles, mais aussi goûter en profondeur à la culture japonaise.

 

Sources :
http://www.maff.go.jp/e/policies/agri/attach/pdf/index-1.pdf
http://www.maff.go.jp/e/oishii/ingredients/japanese_tea.html
http://www.maff.go.jp/j/shokusan/export/e_info/tya/pdf/french_cataloge.pdf